L’impôt sur les sociétés (IS) ne se limite pas à un solde versé après la clôture. En réalité, la majorité des entreprises doivent effectuer un acompte d’impôt trimestriel, calculé à partir du résultat fiscal passé. Un mécanisme qu’il vaut mieux comprendre en détail pour éviter erreurs, majorations… ou mauvaises surprises de trésorerie.
Dans cet article, on te propose une explication complète, un cas pratique original, et un focus sur les points techniques à connaître pour maîtriser les acomptes d’IS.
Sommaire
Comprendre l’impôt sur les sociétés et les taux applicables
Le calcul de l’IS repose sur le résultat fiscal, c’est-à-dire le résultat comptable retraité selon les règles fiscales. Certaines charges comptables ne sont pas fiscalement déductibles, certains produits peuvent être exonérés ou imposés différemment : le résultat fiscal peut donc s’éloigner sensiblement du résultat comptable.
Une entreprise soumise à l’IS se voit appliquer les taux suivants :

- 15 % sur les 42 500 premiers euros de bénéfice fiscal, si elle respecte les trois conditions : chiffre d’affaires hors taxes inférieur à 10 millions d’euros, capital entièrement libéré, et détenu à 75 % minimum par des personnes physiques ;
- 25 % pour la fraction du bénéfice qui excède 42 500 €.
Ce dispositif de taux réduit vise à alléger la charge fiscale des PME.
Le principe de l’acompte d’impôt
L’IS n’est pas versé en une seule fois. Il est réglé en quatre acomptes trimestriels, puis ajusté avec le solde après la clôture. Ce système concerne les entreprises dont l’impôt dû au titre de l’exercice précédent dépasse 3 000 €. En dessous de ce seuil, aucun acompte n’est exigé.

Les dates de paiement sont fixes : 15 mars, 15 juin, 15 septembre et 15 décembre. Si le bénéfice fiscal de l’exercice N-1 n’est pas encore connu au moment du premier acompte, celui-ci est alors calculé sur la base du résultat de N-2, avec régularisation dès que le chiffre de N-1 est disponible, généralement au moment du deuxième acompte.
Exemple : Calcul des acomptes d’impôt
Prenons une société fictive : la SARL LINOVA. Elle remplit toutes les conditions pour bénéficier du taux réduit d’IS : chiffre d’affaires < 10 M€, capital entièrement libéré, et détenu à 100 % par des personnes physiques.
Elle clôture ses comptes le 31 décembre. Voici ses résultats fiscaux :
- N-2 : 140 000 €
- N-1 : 100 000 €
- N : 120 000 €
1. Calcul de l’IS pour l’exercice N-1
Bénéfice fiscal N-1 : 100 000 €
→ Jusqu’à 42 500 € :
42 500 × 15 % = 6 375 €
→ Sur le surplus :
(100 000 – 42 500) = 57 500 €
57 500 × 25 % = 14 375 €
IS total dû pour N-1 : 6 375 € + 14 375 € = 20 750 €
2. Acomptes à verser en N
1er acompte d’impôt – 15 mars N
À cette date, le bénéfice de N-1 n’est pas encore connu.
Le calcul se fait donc sur N-2 (140 000 €) :
- 42 500 × 15 % × ¼ = 1 594 €
- (140 000 – 42 500) = 97 500 €
- 97 500 × 25 % × ¼ = 6 094 €
Total du 1er acompte d’impôt : 1 594 € + 6 094 € = 7 688 €
2e acompte d’impôt – 15 juin N
À cette date, le résultat fiscal de N-1 est connu : 100 000 €
On recalcule les deux premiers acomptes au total :
- 42 500 × 15 % × 2/4 = 3 188 €
- (100 000 – 42 500) = 57 500 €
57 500 × 25 % × 2/4 = 7 188 €
Acomptes 1 + 2 théoriques : 3 188 € + 7 188 € = 10 376 €
→ Acompte 1 déjà payé : 7 688 €
À régulariser le 15 juin : 10 376 € – 7 688 € = 2 688 €
3e et 4e acomptes – 15 septembre et 15 décembre N
Toujours sur la base du bénéfice N-1 (100 000 €) :
- 42 500 × 15 % × ¼ = 1 594 €
- 57 500 × 25 % × ¼ = 3 594 €
Chaque acompte d’impôt = 1 594 € + 3 594 € = 5 188 €
Synthèse :

3. Calcul de l’IS pour l’exercice N
Bénéfice fiscal N : 120 000 €
→ Jusqu’à 42 500 € :
42 500 × 15 % = 6 375 €
→ Sur le surplus :
(120 000 – 42 500) = 77 500 €
77 500 × 25 % = 19 375 €
IS total dû pour N : 6 375 € + 19 375 € = 25 750 €
4. Solde d’IS à verser au 15 mai N+1
25 750 € (IS dû sur N) – 20 752 € (acomptes versés) = 4 998 € à régulariser
Enregistrement comptable des acomptes et du solde d’IS
Exercice N – Clôture au 31 décembre
15/03/N : 1er acompte d’IS versé sur la base du résultat N-2
Compte | Intitulé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|
444 | Etat – IS | 7 688 € | |
512 | Banque | 7 688 € |
15/06/N : Régularisation du 2e acompte sur la base du résultat N-1
Compte | Intitulé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|
444 | Etat – IS | 2 688 € | |
512 | Banque | 2 688 € |
15/09/N : 3e acompte d’IS
Compte | Intitulé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|
444 | Etat – IS | 5 188 € | |
512 | Banque | 5 188 € |
15/12/N : 4e acompte d’IS
Compte | Intitulé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|
444 | Etat – IS | 5 188 € | |
512 | Banque | 5 188 € |
31/12/N : Constatation de la charge d’IS de l’exercice
Compte | Intitulé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|
695 | Impôt sur les bénéfices | 25 750 € | |
444 | Etat – IS | 25 750 € |
15/05/N+1: Paiement du solde de l’IS
Compte | Intitulé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|
444 | Etat – IS | 4 998 € | |
512 | Banque | 4 998 € |
Pour aller plus loin – FAQ
Peut-on réduire ou suspendre son acompte d’impôt ?
Il est possible, pour une entreprise, de réduire ou même de ne pas verser un acompte d’impôt sur les sociétés, à condition d’anticiper une baisse significative de bénéfice. Cette souplesse est autorisée lorsque l’on estime que les acomptes déjà versés couvrent l’impôt final attendu.
Mais ce mécanisme comporte un risque : si les acomptes versés se révèlent insuffisants au regard de l’IS effectivement dû, une majoration de 5 % est appliquée sur la différence non acquittée à temps. Par exemple, si l’impôt final s’élève à 25 000 € et que seuls 15 000 € ont été réglés en cours d’année, la pénalité portera sur les 10 000 € restants, soit 500 €.
La réduction des acomptes doit donc reposer sur une estimation précise du résultat fiscal. Ce n’est pas un levier de confort, mais un outil à manier avec prudence.
Que se passe-t-il en cas d’exercice supérieur à 12 mois ?
Lorsque la durée de l’exercice fiscal dépasse 12 mois, les seuils fiscaux relatifs à l’IS doivent être ajustés au prorata temporis. Deux seuils sont concernés :
- Le seuil de 42 500 €, au-delà duquel le taux réduit de 15 % ne s’applique plus, doit être multiplié par la durée de l’exercice exprimée en mois et divisée par 12.
- Le seuil de 3 000 €, qui détermine l’obligation ou non de verser des acomptes, suit la même logique.
Par exemple, pour un exercice de 18 mois :
- Le plafond pour bénéficier du taux réduit passe à 63 750 € (42 500 × 18/12)
- Le seuil d’exonération d’acomptes devient 4 500 € (3 000 × 18/12)
Si tu veux creuser davantage le sujet, notamment sur les modalités précises de calcul des acomptes, les cas particuliers ou les proratisations en fonction de la durée de l’exercice, l’administration fiscale détaille l’ensemble du dispositif dans son bulletin officiel.
💡 Tu peux consulter directement le BOFiP ici : BOI-IS-DECLA-20-10 – Acomptes d’impôt sur les sociétés
Conclusion
Comprendre les acomptes d’IS, c’est éviter les mauvaises surprises et reprendre la main sur sa fiscalité.
Avec les bons réflexes le système devient plus lisible, même pour ceux qui n’aiment pas trop jongler avec les chiffres.
Et surtout : un acompte bien calculé, c’est une trésorerie mieux maîtrisée.