Augmentation de capital par conversion de créances : guide complet

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  • Dernière modification de la publication :12 juillet 2025

L’augmentation de capital par conversion de créances, également appelée « debt-to-equity swap », représente une opération financière particulièrement stratégique pour les entreprises confrontées à des besoins de renforcement de leurs fonds propres. Cette technique permet de transformer les dettes existantes en capital social, offrant une alternative efficace aux apports traditionnels en numéraire.

Définition et principe général


L’augmentation de capital par conversion de créances consiste à incorporer au capital social d’une société des créances détenues par ses créanciers. Cette opération se traduit par une double mutation : la créance se transforme en titre de capital tandis que le créancier devient associé ou actionnaire de la société débitrice.

Le mécanisme repose sur la technique de la compensation juridique, permettant d’éteindre simultanément la créance du créancier et l’obligation de libération des actions souscrites. Cette modalité d’augmentation de capital présente la particularité de ne pas enrichir directement la société, contrairement aux apports en numéraire ou en nature, mais d’améliorer sa structure financière en réduisant son endettement.


Conditions préalables à l’opération

Pour être valablement mise en œuvre, l’augmentation de capital par conversion de créances nécessite le respect de plusieurs conditions cumulatives :

La liquidité et l’exigibilité de la créance constituent des prérequis essentiels. Selon l’article L. 225-146 du Code de commerce, seules les créances dont le montant peut être précisément évalué et qui sont immédiatement exigibles peuvent faire l’objet d’une conversion.

La libération intégrale du capital social existant s’impose également. Cette condition, parfois méconnue, peut constituer un obstacle majeur dans les sociétés ayant opté pour une libération partielle du capital lors de leur constitution.

Modalités pratiques et formalités juridiques


Procédure décisionnelle

L’augmentation de capital par conversion de créances relève de la compétence exclusive de l’assemblée générale extraordinaire (AGE). Cette décision doit être prise dans les conditions de quorum et de majorité spécifiques à chaque forme sociale, généralement à la majorité des deux tiers des parts ou actions présentes ou représentées.

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La procédure peut être simplifiée par une délégation de compétence au conseil d’administration ou au directoire, sous réserve de respecter les limites fixées par l’assemblée générale.

Intervention d’un professionnel certifié

L’article L. 225-146 du Code de commerce impose la certification de la libération par compensation par un notaire ou un commissaire aux comptes. Cette intervention vise à garantir la réalité et la liquidité des créances converties, protégeant ainsi les intérêts des associés existants.

Pour les sociétés non soumises à l’obligation de désigner un commissaire aux comptes, la nomination d’un professionnel à titre ponctuel demeure possible et même recommandée.

Traitement comptable et écritures


La comptabilisation de l’augmentation de capital par conversion de créances s’effectue selon les principes généraux du plan comptable général. L’opération se traduit par l’extinction de la dette au passif et l’augmentation corrélative du capital social.

Compte débitéCompte créditéMontantLibellé
401 – Dettes Fournisseurs101 – Capital socialMontant de la créanceConversion dette fournisseur
455 – Comptes courants d’associés101 – Capital socialMontant du compte courantIncorporation compte courant
161 – Emprunts obligataires101 – Capital socialMontant de l’empruntConversion obligations
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Lorsque le prix d’émission excède la valeur nominale des actions, une prime d’émission doit être constatée au crédit du compte 1041.

Exemple pratique d’application


Une société détient une dette fournisseur de 30 000 euros. Le fournisseur accepte de convertir cette créance en actions nouvelles émises à 15 euros (valeur nominale 10 euros). L’opération génère l’émission de 2 000 actions nouvelles.

CompteLibelléDébitCrédit
401Dettes fournisseurs30 000
101Capital social20 000
1041Prime d’émission10 000

Considérations relatives à la suppression du droit préférentiel de souscription


En application des dispositions de l’article L. 225-132 du Code de commerce, les associés bénéficient d’un droit préférentiel de souscription lors de toute augmentation de capital en numéraire. Cette règle s’applique également aux augmentations de capital par conversion de créances, considérées comme des apports en numéraire libérés par compensation.

La suppression du droit préférentiel de souscription nécessite une décision spécifique de l’assemblée générale extraordinaire, prise sur rapport motivé du conseil d’administration et du commissaire aux comptes. Cette suppression permet de réserver l’augmentation de capital aux seuls créanciers détenteurs des créances converties.

Foire aux questions (FAQ)


Une société peut-elle convertir des créances non liquides en capital ?

Non, seules les créances liquides et exigibles peuvent faire l’objet d’une conversion en capital selon l’article L. 225-146 du Code de commerce.

L’intervention d’un commissaire aux comptes est-elle obligatoire ?

Oui, l’article L. 225-146 impose la certification par un notaire ou un commissaire aux comptes, même pour les sociétés non soumises à cette obligation.

Peut-on convertir un compte courant d’associé ?

Oui, à condition que le compte courant réponde aux critères de liquidité et d’exigibilité, et que les statuts n’interdisent pas cette opération.

La conversion de créances enrichit-elle la société ?

Non, cette opération ne constitue pas un enrichissement direct mais améliore la structure financière en réduisant l’endettement.

Les frais d’augmentation de capital sont-ils déductibles ?

Les frais d’augmentation de capital peuvent être imputés sur la prime d’émission ou comptabilisés en charges selon les dispositions de l’article 212-9 du PCG.

Quelle est la différence avec l’incorporation de réserves ?

L’incorporation de réserves utilise des fonds propres existants, tandis que la conversion de créances transforme des dettes en capital.

Un fournisseur peut-il refuser la conversion de la créance en capital ?

Oui, la conversion nécessite l’accord du créancier et ne peut être imposée unilatéralement par la société.

Peut-on convertir partiellement une créance ?

Oui, une créance peut être partiellement convertie, le solde demeurant une dette classique de la société.

Conclusion


L’augmentation de capital par conversion de créances constitue un outil financier offrant une alternative aux modes traditionnels de renforcement des fonds propres. Cette opération permet aux entreprises de transformer leurs dettes en capital social sans mobiliser de trésorerie, tout en améliorant significativement leur structure financière et leur ratio d’endettement.

Cependant, la complexité des formalités juridiques et comptables, associée aux enjeux de dilution des associés existants, impose une approche méthodique et l’accompagnement de professionnels qualifiés. Le respect scrupuleux des conditions préalables, notamment la liquidité et l’exigibilité des créances, ainsi que la certification par un notaire ou un commissaire aux comptes, conditionne la validité de l’opération.