La comptabilité d’entreprise repose sur des principes fondamentaux qui garantissent la fiabilité et la pertinence des états financiers. Parmi ces principes, celui de l’indépendance des exercices occupe une place centrale, exigeant que chaque charge et chaque produit soit rattaché à l’exercice qui le concerne, et à celui-là seulement. C’est dans ce cadre que s’inscrit la notion de charges à payer, un mécanisme comptable permettant d’imputer correctement les charges à l’exercice auquel elles se rapportent, même si les pièces justificatives correspondantes n’ont pas encore été reçues.
Sommaire
Qu’est-ce qu’une charge à payer ?
Une charge à payer est un passif certain dont il est nécessaire d’estimer le montant ou l’échéance avec une incertitude moindre que s’agissant d’une provision. Il s’agit d’une charge qui concerne l’exercice en cours mais qui ne sera facturée qu’au cours de l’exercice suivant. En d’autres termes, ce sont des dépenses qui ont été encourues, mais qui n’ont pas encore été ni facturées, ni payées.
Pour qu’une charge soit considérée comme « à payer », elle doit répondre à trois critères essentiels :
- Elle doit être certaine (le bien a été livré ou le service effectué)
- La facture n’existe pas encore à la clôture de l’exercice
- Le montant et l’échéance n’ont pas encore été définitivement fixés
Distinction entre charges à payer et provisions
Il est important de distinguer les charges à payer des provisions pour charges. Cette distinction repose sur trois paramètres clés :
Critère | Charges à payer | Provisions pour charges |
---|---|---|
Réalisation | Certaine | Incertaine |
Échéance | Incertitude faible | Très incertaine |
Montant | Incertitude faible | Très incertain |
Les charges à payer sont donc des passifs dont la réalisation est certaine mais dont l’échéance et le montant présentent un degré d’incertitude relativement faible. À l’inverse, les provisions pour charges concernent des événements dont la réalisation reste incertaine et dont l’échéance et le montant sont difficiles à déterminer avec précision.
Les différents types de charges à payer
Les charges à payer peuvent être classées en plusieurs catégories selon leur nature :
Les factures non parvenues
Il s’agit de biens livrés ou de services exécutés au cours de l’exercice, alors que la facture n’est reçue qu’au cours d’un exercice ultérieur. Par exemple, des marchandises livrées fin décembre mais dont la facture ne sera reçue qu’en janvier, ou des prestations de sous-traitance effectuées en fin d’année mais facturées le mois suivant.
Les charges de personnel à payer
Cette catégorie comprend notamment les congés payés acquis par les salariés mais non encore pris à la clôture de l’exercice. Les salariés ont droit à un congé payé annuel qui s’acquiert au terme d’un mois de travail, à raison de 2,5 jours ouvrables par mois. L’entreprise doit donc provisionner ces congés non pris ainsi que les charges sociales correspondantes.
Les intérêts courus non échus
Il s’agit des intérêts qui courent sur les emprunts contractés par l’entreprise mais qui ne sont pas encore arrivés à échéance. Par exemple, si une entreprise a contracté un emprunt le 1er octobre N remboursable à terme échu au taux annuel de 2%, elle devra comptabiliser à la clôture de l’exercice N les intérêts courus sur les trois derniers mois de l’année.
Les rabais, remises et ristournes à accorder
Ce sont des réductions commerciales que l’entreprise s’est engagée à accorder à ses clients mais qui n’ont pas encore été formalisées par une facture d’avoir à la clôture de l’exercice. Par exemple, une ristourne accordée en fonction du volume d’achat réalisé sur l’année.
Comptabilisation des charges à payer
La comptabilisation des charges à payer suit un principe simple : on débite un compte de charge et on crédite un compte de passif (généralement un compte de la classe 4). Cette écriture permet d’imputer la charge à l’exercice qui se termine et de constater la dette correspondante au passif du bilan.
Le Plan Comptable Général prévoit des comptes spécifiques pour enregistrer les charges à payer :
Type de charge à payer | Compte à créditer |
---|---|
Factures non parvenues | 4081 Fournisseurs – Factures non parvenues |
Immobilisations | 4084 Fournisseurs d’immobilisations – Factures non parvenues |
Congés à payer | 4282 Dettes provisionnées pour congés à payer |
Charges sociales sur congés | 4382 Charges sociales sur congés à payer |
Charges fiscales sur congés | 4482 Charges fiscales sur congés à payer |
Intérêts courus | 1688 Intérêts courus |
RRR à accorder | 4198 Rabais, remises, ristournes à accorder et autres avoirs à établir |
Charges diverses | 4686 Divers – Charges à payer |
Traitement de la TVA
Lorsque les biens et services acquis sont soumis à la TVA, la dette est enregistrée au crédit dans un compte de régularisation pour son montant TTC. La TVA n’étant pas déductible au titre du mois de clôture (puisque le droit à déduction est subordonné à la réception de la facture), elle est inscrite en attente au débit du compte 44586 « TVA à régulariser ».
Exemples d’écritures comptables
Exemple 1 : Facture non parvenue
La société ABC a reçu le 27 décembre N une livraison de marchandises commandées pour un montant de 2 500 € HT. La facture ne sera reçue que le 15 janvier N+1.
Écriture au 31/12/N :
Compte | Libellé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|
607 | Achats de marchandises | 2 500 | |
44586 | TVA sur factures non parvenues | 500 | |
4081 | Fournisseurs – Factures non parvenues | 3 000 |
Exemple 2 : Intérêts courus non échus
La société XYZ a contracté un emprunt de 20 000 € le 1er octobre N au taux annuel de 2%. La première échéance interviendra le 1er octobre N+1.
Écriture au 31/12/N :
Compte | Libellé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|
6611 | Intérêts des emprunts et dettes | 100 | |
1688 | Intérêts courus | 100 |
Calcul : 20 000 € × 2% × 3/12 = 100 €
Exemple 3 : Congés payés à payer
Au 31 décembre N, la société DEF évalue les droits à congés payés acquis par ses salariés mais non encore pris à 15 000 €.
Écriture au 31/12/N :
Compte | Libellé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|
6412 | Congés payés | 15 000 | |
4282 | Dettes provisionnées pour congés à payer | 15 000 |
Le traitement des charges à payer d’un exercice à l’autre
La contrepassation
À l’ouverture de l’exercice suivant, les écritures de charges à payer sont contrepassées. Cette opération consiste à passer l’écriture inverse de celle enregistrée à la clôture de l’exercice précédent. Elle permet de solder les comptes de régularisation et d’éviter une double comptabilisation de la charge lorsque la facture sera effectivement reçue.
Reprenons l’exemple 1 de la facture non parvenue :
Écriture au 01/01/N+1 (contrepassation) :
Compte | Libellé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|
4081 | Fournisseurs – Factures non parvenues | 3 000 | |
607 | Achats de marchandises | 2 500 | |
44586 | TVA sur factures non parvenues | 500 |
L’enregistrement de la facture
Lorsque la facture est effectivement reçue au cours de l’exercice N+1, elle est enregistrée normalement. Le compte de charges concerné sera alors soldé pour l’exercice N+1, la charge ayant déjà été imputée à l’exercice N grâce à l’écriture de charge à payer.
Écriture au 15/01/N+1 (réception de la facture) :
Compte | Libellé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|
607 | Achats de marchandises | 2 500 | |
44566 | TVA déductible sur ABS | 500 | |
401 | Fournisseurs | 3 000 |
Foire aux questions (FAQ)
Quelle est la différence entre une charge à payer et une provision pour charges ?
Une charge à payer est un passif certain dont seuls le montant ou l’échéance présentent une légère incertitude, tandis qu’une provision pour charges concerne un événement dont la réalisation même est incertaine.
Comment calculer les intérêts courus non échus ?
Le calcul se fait en multipliant le capital restant dû par le taux d’intérêt annuel, puis en proratisant le résultat en fonction du nombre de jours courus depuis la dernière échéance jusqu’à la date de clôture.
Les charges à payer doivent-elles être contrepassées à l’ouverture de l’exercice suivant ?
Oui, les écritures de charges à payer doivent être contrepassées à l’ouverture de l’exercice suivant pour éviter une double comptabilisation de la charge lorsque la facture sera effectivement reçue.
Comment traiter la TVA sur les charges à payer ?
La TVA n’étant pas déductible au titre du mois de clôture (puisque le droit à déduction est subordonné à la réception de la facture), elle est inscrite en attente au débit du compte 44586 « TVA à régulariser ».
Les charges à payer figurent-elles au bilan ?
Oui, les charges à payer figurent au passif du bilan, dans les mêmes rubriques que les comptes de dettes auxquels elles se rattachent.
Quels sont les principaux types de charges à payer ?
Les principaux types de charges à payer sont les factures non parvenues, les congés payés à payer, les intérêts courus non échus et les rabais, remises et ristournes à accorder.
Comment identifier les charges à payer lors de la clôture des comptes ?
L’identification des charges à payer nécessite un examen minutieux des opérations réalisées en fin d’exercice et non encore facturées, ainsi qu’une analyse des contrats en cours (baux, emprunts, etc.).
Comment comptabiliser une ristourne à accorder à un client ?
Une ristourne à accorder est comptabilisée en débitant le compte 709 « RRR accordés » et en créditant le compte 4198 « RRR à accorder et autres avoirs à établir ».
Les charges à payer concernent-elles toutes les entreprises ?
Non, certaines entreprises ne sont pas concernées par ces écritures, notamment les professions libérales relevant d’une comptabilité de trésorerie.
Conclusion
Les charges à payer constituent un mécanisme comptable essentiel pour respecter le principe d’indépendance des exercices. Elles permettent d’imputer correctement les charges à l’exercice auquel elles se rapportent, même si les pièces justificatives correspondantes n’ont pas encore été reçues à la clôture.
Leur comptabilisation rigoureuse est indispensable pour présenter des états financiers qui reflètent fidèlement la situation économique de l’entreprise. Elle nécessite une bonne connaissance des différents types de charges à payer et des comptes spécifiques à utiliser.
Enfin, n’oublions pas que les charges à payer font partie intégrante des travaux d’inventaire que toute entreprise doit réaliser à la clôture de son exercice comptable. Ces travaux, qui comprennent également l’évaluation des stocks, le calcul des amortissements et des provisions, sont essentiels pour établir des comptes annuels fiables et conformes aux exigences légales.