La tenue comptable d’une entreprise peut s’effectuer selon deux grandes méthodes fondamentalement différentes : la comptabilité d’engagement et la comptabilité de trésorerie. Ces deux approches, bien qu’opposées dans leur philosophie, répondent chacune à des besoins spécifiques selon la nature de l’activité et la structure juridique de l’entreprise.
Sommaire
La comptabilité d’engagement
La comptabilité d’engagement, également appelée comptabilité sur les débits, consiste à enregistrer les opérations dès qu’elles sont acquises ou engagées, indépendamment de leur dénouement financier. Cette méthode privilégie la substance économique sur la forme financière, offrant une photographie fidèle du patrimoine de l’entreprise à un instant donné.
Dans ce système, une vente génère immédiatement une créance client, même si le règlement n’interviendra que plusieurs semaines plus tard. De même, une facture fournisseur crée instantanément une dette, qu’elle soit réglée immédiatement ou à terme.
Exemple concret : La société Martin vend des marchandises le 15 mars 2025 pour 5 000 € TTC à la société Dubois, avec un règlement prévu à 60 jours. En comptabilité d’engagement, l’écriture sera passée dès le 15 mars :
Compte | Libellé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|
411 | Clients | 5 000 € | |
707 | Ventes de marchandises | 4 166,67 € | |
44571 | TVA collectée | 833,33 € |
Le règlement du 15 mai donnera lieu à une seconde écriture :
Compte | Libellé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|
512 | Banque | 5 000 € | |
411 | Clients | 5 000 € |
La comptabilité de trésorerie
À l’inverse, la comptabilité de trésorerie n’enregistre les opérations qu’au moment effectif des encaissements et décaissements. Cette méthode, aussi appelée comptabilité de caisse, privilégie la réalité financière immédiate.
Dans notre exemple précédent, seule l’écriture du 15 mai serait comptabilisée, regroupant vente et encaissement :
Compte | Libellé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|
512 | Banque | 5 000 € | |
707 | Ventes de marchandises | 4 166,67 € | |
44571 | TVA collectée | 833,33 € |
Cette approche simplifie considérablement la tenue comptable mais masque les engagements en cours.
Tableau comparatif des deux méthodes
Critère | Comptabilité d’engagement | Comptabilité de trésorerie |
---|---|---|
Moment d’enregistrement | Date de facture/livraison | Date d’encaissement/décaissement |
Créances et dettes | Enregistrées immédiatement | Non comptabilisées |
Volume d’écritures | Élevé (double jeu d’écritures) | Réduit (une seule écriture) |
Suivi des tiers | Précis et en temps réel | Impossible |
Image patrimoniale | Fidèle et complète | Partielle et décalée |
Complexité de mise en œuvre | Importante | Simplifiée |
Les avantages et inconvénients de chaque méthode :
Méthode comptable | Avantages | Inconvénients |
---|---|---|
Comptabilité d’engagement | – Vision précise du patrimoine et des performances – Suivi rigoureux des créances clients et dettes fournisseurs – Meilleure information pour la prise de décision – Facilitation du lettrage des comptes de tiers | – Multiplication des écritures comptables – Nécessité d’établir des rapprochements bancaires – Coûts de tenue plus élevés |
Comptabilité de trésorerie | – Simplicité et rapidité de mise en œuvre – Réduction des coûts comptables – Gain de temps significatif | – Absence de suivi des impayés – Image tronquée de l’activité réelle – Gestion délicate des déclarations TVA sur les débits |
Pour aller plus loin sur la TVA, vous pouvez consulter notre guide complet : https://expertfiscal.fr/comprendre-tva-guide-pratique/
Le cadre réglementaire et les obligations légales
Qui doit appliquer la comptabilité d’engagement ?
La comptabilité d’engagement s’impose de manière obligatoire à plusieurs catégories d’entités :
Sociétés commerciales : Toutes les formes sociales (SARL, SAS, SA, SNC, etc.) doivent respecter cette méthode, qu’elles soient soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu.
Entreprises individuelles BIC : Les entrepreneurs individuels relevant des bénéfices industriels et commerciaux sont tenus d’appliquer cette méthode, avec toutefois des possibilités d’allègement pour ceux relevant du régime simplifié.
Associations : Les associations reconnues d’utilité publique, émettant des valeurs mobilières ou percevant plus de 153 000 € de subventions annuelles.
Les possibilités d’allègement :
Les entreprises relevant du régime réel simplifié peuvent bénéficier d’assouplissements. Ces seuils s’établissent en 2025 à :
- 840 000 € de chiffre d’affaires pour les activités de vente
- 254 000 € pour les prestations de services
Qui peut opter pour la comptabilité de trésorerie ?
Cette méthode s’applique principalement aux :
- Professions libérales BNC : Obligatoirement en comptabilité de trésorerie
- Micro-entrepreneurs : Comptabilité ultra-simplifiée basée sur les encaissements
- Petites associations : Celles ne dépassant pas les seuils réglementaires
Foire aux questions (FAQ)
Peut-on changer de méthode comptable en cours d’exercice ?
Non, le changement de méthode comptable ne peut intervenir qu’à l’ouverture d’un nouvel exercice, avec justification des motifs.
La comptabilité de trésorerie dispense-t-elle de toute obligation comptable ?
Absolument pas. Elle simplifie l’enregistrement mais maintient l’obligation de conservation des pièces justificatives et d’établissement des déclarations.
Quels sont les seuils pour passer obligatoirement en comptabilité d’engagement ?
- 840 000 € de chiffre d’affaires pour les activités de vente
- 254 000 € pour les prestations de services
Comment gérer la TVA avec une comptabilité de trésorerie ?
La TVA sur les débits nécessite un suivi spécifique des factures émises, même en comptabilité de trésorerie.
Peut-on tenir une comptabilité mixte ?
Le régime simplifié permet une approche mixte : trésorerie en cours d’année, engagement à la clôture.
La méthode comptable influence-t-elle le calcul des cotisations sociales ?
Oui, particulièrement pour les dirigeants dont les revenus fluctuent selon la méthode appliquée.
Conclusion
Le choix entre comptabilité d’engagement et comptabilité de trésorerie ne relève pas uniquement d’une préférence de gestion : il s’inscrit dans un cadre réglementaire strict qui varie selon le statut juridique et la taille de l’entreprise.
Si la comptabilité de trésorerie séduit par sa simplicité apparente, elle peut rapidement montrer ses limites dès que l’activité se développe. À l’inverse, la comptabilité d’engagement, malgré sa complexité initiale, offre une vision patrimoniale indispensable à une gestion saine et prévisionnelle.
L’enjeu consiste donc à trouver le juste équilibre entre obligations légales, besoins d’information et contraintes de gestion. Dans tous les cas, une approche structurée et l’accompagnement par un professionnel qualifié restent les gages d’une comptabilité fiable et conforme aux exigences réglementaires.